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Nova admissibles en procédure de recours contre la décision sur opposition au séquestre : fin de la controverse

TF 5A_626/2018* du 3.4.2019 c. 6.6, 6.6.4

Art. 278 al. 3 2e phr. LP, art. 326 al. 2 CPC - DECISION SUR OPPOSITION AU SEQUESTRE – RECOURS - NOTION DE « FAITS NOUVEAUX » RECEVABLES – CONDITIONS DE RECEVABILITE

La systématique de la loi et des considérations téléologiques imposent la conclusion que les « faits nouveaux », qui selon l’art. 278 al. 3 2e phr. LP, peuvent être invoqués devant l’instance de recours, comprennent autant les pseudo nova que les vrais nova, les pseudo nova désignant les faits et moyens de preuves qui existaient déjà avant la décision sur opposition (c. 6.6 et 6.2). L’interprétation historique ne révèle rien qui contredirait le résultat des interprétations systématique et téléologique (c. 6.6.3). L’interprétation précitée de l’art. 278 al. 3 2e phr. LP correspond en outre à de nombreux avis de doctrine (c. 6.3). Le seul fait que l’opinion contraire se trouve aussi exprimée en jurisprudence et en doctrine, avec certains arguments, n’implique pas que la décision d’admettre en principe les pseudo nova dans la procédure de recours contre la décision sur opposition au séquestre  serait contraire à l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Pour ce qui est des conditions auxquelles les pseudo nova peuvent être introduits en procédure de recours, il faut appliquer par analogie les règles contenues à l’art. 317 al. 1 CPC (v. c.6.6.2 i.f.). Il n’est pas nécessaire de résoudre ici la question du moment jusqu’auquel les (vrais ou pseudo) nova doivent être présentés dans la procédure de recours contre la décision sur opposition au séquestre (v. à ce sujet ATF 142 III 413 c. 2.2.3 ss). 

2019-N15 Nova admissibles en procédure de recours contre la décision sur opposition au séquestre : fin de la controverse
Note F. Bastons Bulletti


1 Visée par un séquestre pour un montant important, la poursuivie s’y est opposée (art. 278 al. 1 LP) en contestant l’existence de la créance. Elle n’est pas parvenue à convaincre le premier juge. En procédure de recours (au sens strict ; cf. art. 278 al. 3 LP et 309 lit. b ch. 6 CPC), elle a produit deux documents, extraits d’un support de données digital que son avocat avait récemment reçu, puis analysé, et qui provenait d’une instruction pénale conduite en Ukraine. Ces pièces ont été décisives pour semer le doute quant à la réalité de la créance, de sorte que l’Obergericht a admis le recours et levé le séquestre. La poursuivante a contesté au TF la recevabilité de ces pseudo nova dans une procédure de recours. En vain.

2 L’arrêt, destiné à publication, donne enfin au TF l’occasion de se prononcer sur une question depuis longtemps débattue, qu’il avait jusqu’alors laissée ouverte (ATF 140 III 466 c. 4.2.3 ; TF 5A_195/2018 du  22.8.2018 c. 5 et réf., cf. notes sous art. 326 al. 2, D.). L’art. 278 al. 3 2e phr. LP fait partie des « dispositions spéciales de la loi » que réserve l’art. 326 al. 2 CPC et qui font exception à l’interdiction générale de présenter des nova en procédure de recours (art. 326 al. 1 CPC). L’art. 278 al. 3 2e phr. LP énonce que dans la procédure de recours contre la décision sur opposition au séquestre, « les parties peuvent alléguer des faits nouveaux », sans préciser si seuls de vrais nova, ou aussi des pseudo nova, sont ainsi recevables. Après une analyse détaillée et une interprétation complète de la disposition, le TF parvient, de manière pleinement convaincante, à la conclusion que la disposition vise tant les faits et moyens de preuves survenus après les dernières plaidoiries dans la procédure d’opposition au séquestre (vrais nova) que ceux qui sont survenus avant ce moment et n’ont été découverts qu’ensuite (pseudo nova).
 
3 L’arrêt devait formellement se limiter à un examen sous l’angle de l’arbitraire, dès lors que la décision en cause porte sur des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF. Néanmoins, au vu de l’étude exhaustive à laquelle les juges ont procédé, il nous semble qu’une autre interprétation, déjà minoritaire aujourd’hui, de l’art. 278 al. 3 LP ne serait pas nécessairement admise – même s’il est reconnu qu’elle a pour elle « certains arguments ». 

4 Le TF précise encore que si tous les nova sont admissibles en procédure de recours selon l’art. 278 al. 3 LP, ils ne le sont pas sans conditions. Il s’est rallié, là aussi de manière convaincante, à la doctrine qui préconise d’appliquer par analogie les conditions résultant de l’art. 317 al. 1 CPC en procédure d’appel. L’application par analogie de l’art. 317 al. 1 CPC est justifiée par le fait que le séquestre est une mesure provisionnelle. Les mesures provisionnelles, soumises à la procédure sommaire (art. 248 lit. d CPC), sont généralement susceptibles d’appel (cf. art. 308 al. 1 lit. b CPC) – sauf si la cause n’atteint pas la valeur litigieuse de l’art. 308 al. 2 CPC, ou si, comme en l’espèce, elle fait partie des affaires dans lesquelles la loi ne prévoit que le recours (cf. art. 309 lit. b ch. 6 CPC). Or en appel, les conditions de recevabilité des nova sont réglées par l’art. 317 al. 1 CPC. Dès lors, une soumission aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC s’harmonise avec le système applicable en général aux recours – au sens large – contre les décisions de protection provisoire des droits.
Ainsi, les vrais nova sont recevables s’ils sont invoqués sans retard. Les pseudo nova doivent, en sus, ne pas avoir pu être produits auparavant, même en faisant preuve de la diligence que l’on peut attendre du plaideur (cf. art. 317 al. 1 lit. a et b CPC). 

5 Le TF a encore laissée ouverte la question du dernier moment auquel les nova peuvent être présentés dans la procédure de recours (cf. déjà ATF 139 III 491 c. 4.4 i.f., note sous art. 326 al. 2, D.). Dans la mesure cependant où il entend harmoniser le régime des nova selon l’art. 278 al. 3 LP avec celui applicable en appel, et où il se réfère à l’ATF 142 III 413 c. 2.2.3 ss (cf. note sous art. 317 al. 1, A.b.), il est probable que la même solution soit applicable : les nova doivent ainsi être présentés en principe dans les écritures ; ils peuvent l’être exceptionnellement plus tard, jusqu’au début des délibérations de l’instance de recours – sous réserve des conditions de l’art. 317 al. 1 CPC (N 3 i.f) -, lorsqu’ils sont découverts après l’échange d’écritures. Toutefois, dès lors qu’en procédure de recours, le tribunal statue le plus souvent sans débats et après un seul échange d’écritures, il devrait en général rester peu de place pour l’introduction ultérieure de nova.

6 Si pour l’invocation de nova, la procédure de recours en matière d’opposition au séquestre se rapproche ainsi de l’appel en matière de mesures provisionnelles, il demeure une différence importante : alors que l’appel permet un examen complet de la cause, en fait et en droit (art. 310 CPC), le juge du recours ne peut revoir le constat et l’appréciation des faits opérés par le premier juge que sous l’angle de l’arbitraire (art. 320 CPC). Ainsi, en l’absence de nova, le recours continue de ne permettre qu’un contrôle restreint de la décision sur opposition au séquestre.

Proposition de citation:
F. Bastons Bulletti in newsletter CPC Online 2019-N15, n…

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