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Comment contester les aspects patrimoniaux d’une convention de divorce homologuée ?

TC/FR du 26.3.2018 (101 2017 381) c. 1.1, RFJ 2018, 298 s.

Art. 279, 308 al. 2 - HOMOLOGATION D’UNE CONVENTION DE DIVORCE COMPLETE – APPEL SUR LES ASPECTS PATRIMONIAUX – CALCUL DE LA VALEUR LITIGIEUSE

(Homologation d’une convention complète de divorce sur requête commune; appel portant uniquement sur des questions patrimoniales) Lorsqu’une convention complète de divorce est homologuée, les conclusions des parties au dernier état concordent parfaitement, de sorte que la valeur litigieuse [art. 308 al. 2 CPC] serait de CHF 0.- et que seule la voie du recours serait ouverte. Cependant, cette manière de faire conduirait à l’exclusion systématique de l’appel et, en conséquence, de nova (cf. art. 326 CPC) lorsqu’une convention complète de divorce est remise en cause. De plus, cela n’est guère cohérent en relation avec la valeur litigieuse pour un recours au Tribunal fédéral. Au vu de l’enjeu pour les parties à la procédure, une telle exclusion de l’appel ne peut manifestement pas avoir été l’intention du législateur. La procédure de divorce sur requête commune avec convention complète sur les effets accessoires n’est pas, à proprement parler, une affaire civile contentieuse. Il n’y a pas de demandeur et défendeur qui s’opposent dans cette procédure, mais plutôt des co-demandeurs qui prennent les mêmes conclusions. La règle de l’art. 308 al. 2 CPC n’ayant manifestement pas été conçue pour déterminer la valeur litigieuse dans une telle procédure matrimoniale, il convient de combler cette lacune en ce sens que ce sont les conclusions prises en deuxième instance qui déterminent la valeur litigieuse. Dans le résultat, la Cour rejoint ainsi l’avis exprimé par Fankhauser (in Schwenzer/Fankhauser (éd.), FamKomm, Scheidung, Band II: Anhänge, 3e éd. 2017, Anh. ZPO art. 29, n. 8).

(N 5) Comment contester les aspects patrimoniaux d’une convention de divorce homologuée ?
Note F. Bastons Bulletti


Deux conjoints concluent une convention complète sur les effets accessoires de leur divorce, que le juge homologue. L’époux introduit ensuite appel de la décision, uniquement en ce qui concerne la contribution pour l’épouse, en invoquant un vice de la volonté (erreur) ainsi que la violation par le juge de l’art. 279 CPC relatif à l’homologation de la convention.

I. Il faut d’abord examiner la recevabilité de l’appel:

La convention homologuée sur les effets du divorce est sujette aux voies de droit ordinaires (TF 5A_74/2014 du 5.8.2014 c. 2 et réf., note sous art. 279, B.2.) – au contraire du principe même du divorce, qui ne peut être attaqué qu’en appel, uniquement pour vices du consentement, cf. art. 289 CPC. En général, l’appel est recevable: d’une part, la convention n’est pas une transaction au sens de l’art. 241 CPC, pour laquelle seule la révision est ouverte (cf. notes sous art. 241, C. et art. 328 al. 1 lit. c CPC) ; elle est homologuée par une décision finale, au sens de l’art. 308 al. 1 lit. a CPC. D’autre part, il ne s’agit en général pas d’une affaire patrimoniale au sens de l’art. 308 al. 2 CPC, dans la mesure où l’aspect non pécuniaire est prépondérant (cf. notes sous art. 308 al. 2, 1., en part. TF 5D_41/2007 du 27.11.2007 c. 2.3).  Il est toutefois des cas où seuls sont contestés  les effets patrimoniaux du divorce règlementés dans la convention homologuée. Dans cette hypothèse, la cause est clairement de nature patrimoniale au sens de l’art. 308 al. 2 CPC: la qualification d’ « affaire patrimoniale », au sens de cette disposition, s’opère en effet au vu des conclusions de l’appel (cf. notes ibidem, not. TF 5D_13/2017 du 4.12.2017 c. 5.2).

Lorsque l’appel concerne une affaire patrimoniale, il n’est ouvert que si la valeur litigieuse « au dernier état des conclusions », càd. la valeur des dernières conclusions litigieuses devant le premier juge, est supérieure à CHF 10’000.- (art. 308 al. 2 CPC et notes sous art. 308 al. 2, 2.). Or, le TC/FR relève que cette valeur litigieuse est ici de zéro, dès lors qu’avant le prononcé de la décision, il n’y avait aucun litige. A appliquer strictement l’art. 308 al. 2 CPC, la valeur litigieuse décisive de CHF 10’000.- n’est jamais atteinte dans la situation envisagée et l’appel devrait être irrecevable. Le TC/FR retient toutefois que dans cette situation particulière, il faut se fonder sur la valeur litigieuse des conclusions de l’appel, et non sur la valeur litigieuse (inexistante) au dernier état des conclusions.

Le Tribunal adopte ainsi la solution préconisée par Fankhauser (FamKomm Scheidung, éd. 2017, art. 289 CPC N. 8), selon lequel, dès lors qu’il n’y avait par définition pas de litige en première instance, la valeur litigieuse au sens de l’art. 308 al. 2 CPC doit être calculée selon les conclusions de l’appel, resp. selon l’objet de la convention qui est contesté. L’auteur ne motive toutefois pas cette solution.

La situation visée n’est pas rare et la pratique semble admettre la recevabilité de appel, toutefois sans approfondir la question (cf. p.ex. TF 5A_96/2018 du 13.8.2018 c. 2.2.3, concernant la même hypothèse qu’en l’espèce, dans lequel le TF affirme qu’au vu de la valeur litigieuse, l’appel était ouvert ; ég. TC/VD du 14.1.2015 (HC/2015/59) c. 1b, retenant que la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à CHF 10’000.-, alors que l’appel porte exclusivement sur les effets patrimoniaux du divorce réglés dans une convention homologuée).

Dans son résultat, cette solution nous semble justifiée : dans les cas de divorce avec accord complet, il ne serait guère cohérent d’exclure l’appel lorsque la partie qui recourt attaque seulement des aspects financiers de la décision, alors qu’il est toujours ouvert si elle conteste aussi des aspects non pécuniaires réglés par la convention ou par les conclusions communes des parties (principe du divorce, droit de visite, autorité parentale, etc.) : dès lors que la cause n’est alors plus (exclusivement) de nature patrimoniale, la restriction de l’art. 308 al. 2 CPC ne s’applique pas. Les parties pourraient être incitées à remettre en cause aussi un aspect non patrimonial, pour se voir ouvrir la voie de l’appel.

Cependant, il ne nous semble pas exact qu’en cas d’appel sur les effets pécuniaires réglés par une convention homologuée, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions, càd. en première instance, soit de zéro. L’expression « valeur litigieuse »  selon l’art 308 al. 2 CPC ou selon les art. 91 ss CPC implique bien que la cause soit de nature pécuniaire, càd. qu’elle ait une valeur, mais pas forcément qu’il y ait un litige. Dans le cas contraire, les affaires de la juridiction gracieuse, dont certaines sont de nature pécuniaire, auraient généralement une valeur litigieuse égale à zéro, faute de partie adverse pour contester les conclusions. Or tel n’est pas le cas : ces affaires peuvent au contraire avoir une valeur supérieure à CHF 10’000.-, voire aux CHF 30’000.-. exigés pour le recours en matière civile au TF (cf. pour l’établissement d’un certificat d’héritier, TF 5A_570/2017 du 27.8.2018 c. 1 [recours en matière civile jugé recevable au regard de l’art. 51 al. 1 lit. a LTF, qui prescrit – comme l’art. 308 al. 2 CPC – de tenir compte de la valeur des conclusions restées litigieuses devant l’autorité précédente] ; ég. TF 5A_395/2010 du 22.10.2010 c. 1.2 [estimation selon l’art. 51 LTF de la valeur litigieuse d’une affaire – de la juridiction gracieuse – de révocation de l’exécuteur testamentaire]). Il en va de même lorsqu’en première instance, le défendeur est défaillant et ne formule aucun conclusion (cf. TF 5A_749/2016 du 11.5.2017 c. 1, note sous art. 223 al. 2 [recevabilité de l’appel, puis du recours en matière civile admises, dans une cause de divorce sur demande unilatérale où bien que le défendeur fut défaillant, le tribunal avait entièrement refusé à l’épouse la contribution d’entretien qu’elle réclamait]). Dans le cas du divorce sur requête commune, l’absence de litige sur les conclusions n’empêche pas dès lors pas qu’il existe une valeur « litigieuse » au sens de l’art. 308 al. 2 CPC et que celle-ci soit supérieure à zéro.

Dès lors que l’art. 308 al. 2 CPC se fonde sur la valeur litigieuse « au dernier état des conclusions », il faut admettre que lorsqu’il n’y a pas eu de contestation en première instance, cette valeur litigieuse correspond à celle des dernières conclusions présentées unilatéralement – ou en cas de divorce avec convention, d’un commun accord – au premier juge (requis d’homologuer la convention) sur les points remis en cause par l’appelant. Cependant, afin de traiter de manière égale la contestation d’une convention homologuée et celle d’un jugement statuant sur des effets litigieux, il faut à notre avis prendre en considération non pas la valeur des conclusions prises en appel – comme l’indique le chapeau de l’arrêt publié (non reproduit ici) -, mais la différence entre cette valeur et celle des montants convenus et désormais contestés (pour l’appel d’un jugement fixant des contributions d’entretien litigieuses, est décisive la différence entre les montants requis par chaque partie, cf. TC/FR du 15.2.2012  (101 2012-35) c. 1.b, note sous art. 308 al. 2, 2.) : en effet, seule est en définitive déterminante la valeur sur laquelle il était nécessaire, en première instance, que le juge tranche (cf. ég. BK ZPO-Sterchi art. 308 N 30). Dans la situation particulière examinée ici, où il n’y avait pas de différence entre les conclusions respectives des parties en première instance, il faut alors se fonder, à notre avis, sur la valeur sur laquelle le juge d’appel devra statuer ; celle-ci ne comprend pas les montants que l’appelant ne remet pas en cause. C’est du reste ainsi que le Tribunal semble avoir procédé in casu, en relevant que l’appelant demandait que la pension pour l’ex-épouse (de CHF 300.- par mois) prenne fin en mai 2021, alors que selon la convention, elle pouvait être due jusqu’en mai 2037. Si l’on ne tenait compte que des conclusions de l’appelant qui conteste la convention, ce dernier serait favorisé de manière illogique par rapport aux conjoints qui n’ont pas conclu de convention : plus ces derniers étaient proches d’un accord en première instance, moins la différence entre leurs prétentions était importante, et moins l’appel peut être ouvert, surtout s’il porte sur des prestations uniques ou assez limitées dans le temps.

Ainsi, dans la situation considérée, il nous semble que la valeur litigieuse exigée par l’art. 308 al. 2 CPC est atteinte lorsque la différence entre les conclusions de l’appelant et les montants prévus, pour les mêmes objets, par la convention homologuée est d’au moins CHF 10’000.-.

II. Il faut en outre apporter trois précisions concernant la contestation d’une convention homologuée sur les effets accessoires du divorce :

1. Même si le recourant n’est pas formellement lésé par la décision – qui admet par hypothèse ses conclusions précédentes, tendant à l’homologation de la convention -, il est matériellement lésé, càd. affecté dans sa situation juridique, du moins s’il invoque les griefs recevables en matière de contestation d’une convention de divorce (v. infra, 2.). Ainsi, son appel est en principe recevable sous l’aspect de l’intérêt au recours.

2. L’appel ou le recours en matière de convention sur les effets du divorce n’est pas ouvert aussi largement qu’un appel ou recours ordinaires (cf. art. 310, art. 320 CPC). Il n’est certes pas limité, comme l’appel sur le principe du divorce sur requête commune, à un vice du consentement (art. 289 CPC), mais néanmoins à la violation des conditions que pose l’art. 279 CPC à l’homologation de la convention (cf. notes sous art. 279, B.2. et sous art. 289, C., not. TF 5A_187/2013 du 4.10.2013 c. 5). En effet, la convention n’étant plus révocable dès qu’elle a été confirmée – voire dès sa conclusion, lorsqu’elle est intervenue dans le cadre d’une demande unilatérale (cf. notes sous art. 279, B.1, not. TF 5A_688 2013 du 14.4.2014 c. 7.2.1) -, il ne peut être question de demander au juge d’appel ou de recours de statuer comme si elle n’existait pas, mais uniquement de décider si elle a été valablement conclue et homologuée, au besoin en substituant son appréciation à celle du premier juge (cf. notes sous art. 289, C, en part. TF 5A_721/2012 du 17.1.2013 c. 3.3.1). Si le tribunal parvient à la conclusion que tel n’est pas le cas, il ne peut pas statuer sur le fond, mais uniquement constater que la convention ne peut être homologuée et refuser cette homologation. La procédure de divorce ne pouvant pas s’achever ainsi, il doit appliquer l’art. 288 al. 2 CPC par analogie et renvoyer la cause pour que faute d’accord, la procédure soit continuée de manière contradictoire. C’est au demeurant ce que le TC/FR a prononcé en l’espèce, après avoir admis que la convention n’était pas claire sur le point contesté et avoir ainsi refusé l’homologation à cet égard. (c. 2.5.2 non reproduit ici).

3. Dans la mesure où pour faire valoir un vice du consentement ou un motif de refus de l’homologation au sens de l’art. 279 CPC, le recourant doit invoquer des nova (p.ex. il invoque un changement de circonstances, intervenu depuis la confirmation de la convention, qui rend à son avis manifestement inéquitable la contribution d’entretien prévue, cf. TF 5A_121/2016 du 8.7.2016 c. 4, notes sous art. 279 al. 1 et 289, C. ; p.ex. après avoir confirmé son accord, il découvre un fait préexistant, dont il résulte, selon lui, qu’il a conclu la convention sous l’emprise d’une erreur essentielle, cf. TF 5A_187/2013 du 4.10.2013 c. 6, 7.1, 7.3, note sous art. 279 al. 1), il peut les introduire en appel, aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC. Il y est même tenu, au risque d’être forclos à les invoquer dans une action ultérieure en modification (cf. ATF 143 III 42 c.  5.2 -5.4, note in newsletter du 11.01.2017). En revanche, si seul le recours stricto sensu est ouvert, les nova sont en principe exclus (art. 326 CPC). Néanmoins, il est alors possible de les invoquer soit dans une procédure de révision (art. 328 al. 1 lit. c CPC), s’il s’agit de pseudo nova, soit dans une nouvelle action (en modification du jugement de divorce), s’il s’agit de vrais nova (ATF 143 précité c. 5.2). La décision susceptible de recours limité au droit étant immédiatement en force dès sa communication (cf. notes sous art. 336), tant la demande de révision (cf. art. 328 al. 1 CPC) que l’action en modification peuvent être introduites immédiatement, dès le nova connu. Ce sera d’autant plus opportun qu’une décision de modification du jugement de divorce ne rétroagit pas au-delà de la date d’introduction de l’action (cf. notes sous art. 284 al. 3, 3b.).

Proposition de citation:
F. Bastons Bulletti in newsletter CPC Online 2019-N5, n…

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